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Ecrit le 16 septembre 2020
Le chapeau, aujourd’hui accessoire de mode autant qu’ objet utile - pour se protéger du soleil, par exemple - , a été au cours des siècles une pièce essentielle de la tenue vestimentaire des hommes et des femmes, souvent liée au statut social.
La sociologue Evelyne Sullerot rapporte dans l’un de ses livres la réponse d’une mère à qui sa fille demandait dans la rue « Tu as vu la dame, là -bas ? » : « Ce n’est pas une dame, ma chérie, elle ne porte pas de chapeau ! ». En effet, dans les années 50, aucune « dame » ne sortait sans chapeau ; elle se distinguait de cette façon des ouvrières qui sortaient dans la rue « en cheveux ».
Les dames entraient également à l’église la tête couverte d’un chapeau ou d’un foulard, alors que les hommes se découvraient en y entrant et restaient tête nue pendant la durée d’un office ou d’ une cérémonie.
Le mot chapeau vient du bas-latin cappa (manteau à capuchon) issu du latin caput , qui a donné chef, au sens de tête. Notons que le « couvre-chef », n’est pas porté que par des chefs !
Un des antécédents du chapeau est le bonnet phrygien, originaire d’Asie mineure, qui, devenu symbole de la liberté, est un des attributs de Marianne.
Au XVIII e siècle, dans le Briançonnais, les précepteurs qui parcouraient la campagne à la recherche d’élèves à instruire se distinguaient au nombre de plumes dont ils ornaient leur chapeau : une plume signifiait qu’ils savaient apprendre à lire aux enfants, deux, qu’ils pouvaient aussi leur apprendre à compter.
Les chapeaux que portaient les femmes aux XIX e et XX e siècles avaient pour nom canotier (il était porté également par les hommes, mais celui des femmes était ceinturé d’un ruban noir, voire tendu d’un voile de soie ou de dentelle ), capeline (garnie de fleurs, de plumes et parfois d’une voilette, elle était très à la mode dans les années 20 et a connu dans les années 50 un regain de succès) , cloche ( petit chapeau rond tombant tout autour de la tête qui a été très en vogue dans les années 30) et bibi : tout petit chapeau porté sur le sommet de la tête, maintenu à l’aide d’une épingle et orné, comme la capeline, de plumes, de fleurs, de bijoux et d’une voilette.
De leur côté, les hommes portaient, selon les circonstances et leur statut social, un chapeau melon, associé au personnage de Charlot, un haut de forme, un claque, un panama, un feutre, un sombrero, un borsalino, un bicorne, un tricorne par exemple.
Les étudiants ont porté une faluche à la fin du XIXe siècle et au début du XXe ; les élèves de l’Ecole Polytechnique ont vu le bicorne de leur uniforme remplacer le traditionnel tricorne après la Révolution. Le shako (du hongrois csako, coiffure des hussards), toujours porté par les officiers de la Garde républicaine et les élèves de l’Ecole militaire de Saint-Cyr lors des cérémonies, est décoré d’un plumet différent selon le grade et la fonction ; à Saint-Cyr, le plumet s’appelle casoar. Le képi porté par les officiers de certaines armes a remplacé le shako dans les années 1860.
La casquette était au départ le nom du képi des officiers de l’armée d’Afrique : « As-tu vu la casquette, la casquette ? As-tu vu la casquette du père Bugeaud ? » entend-on dans La marche des zouaves français . Puis, par métonymie, la casquette est devenue l’emblème de la condition ouvrière. Dans le jargon des cyclistes, elle se nomme gapette.
L’usage du béret, du gascon berret, d’abord porté par les Béarnais, s’est généralisé, il a été porté par les chasseurs alpins puis par les membres de différents corps d’armée tel celui des parachutistes.
Par la suite, il est devenu, avec la baguette, un des symboles embléma-tiques du Français. Rembrandt, Quentin de La Tour, Monet, l’avaient adopté et ont fait leur autoportrait coiffés d’un béret. Albert Camus, Che Guevarra, Simone Weil et bien d’autres personnalités en portaient également un.
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de La Mée : à l’origine, au temps de Luther, l’école buissonnière était une école clandestine qui se tenait en plein champ ; les pasteurs y dispensaient leur enseignement religieux.
Elisabeth Catala
Ecrit le 23 septembre 2020
L’exclamation chapeau ! employée seule ou accompagnée du mot bas (même si on ne porte pas de chapeau) est un signe de déférence ou d’admiration. Le mot chapeau entre aussi dans de nombreuses expressions toujours en cours aujourd’hui ou totalement désuètes.
Faire porter le chapeau à quelqu’un, c’est vouloir lui faire porter la responsabilité d’un acte, alors qu’il n’en est pas responsable.
En baver des ronds de chapeau a la même signification que l’expression populaire « en baver », qui signifie avoir beaucoup de mal à obtenir quelque chose ou encore souffrir beaucoup. Le rond de chapeau était un cercle en métal que les chapeliers et les modistes utilisaient pour maintenir la forme du chapeau pendant sa fabrication.
Manger ou avaler son chapeau signifie admettre qu’on s’est trompé : cette expression vient du vieux français avaler qui signifiait abaisser ( l’aval d’une rivière est la partie basse qui s’oppose à l’amont). Avaler son chapeau était donc se découvrir avec respect devant une personne de condition supérieure.
Travailler du chapeau est une expression étrange qui signifie d’une personne qu’elle raconte n’importe quoi, voire qu’elle délire ; elle a probablement pour origine les vapeurs de mercure nocives qui s’échappaient autrefois lors du procédé de fabrication des chapeaux de feutre : celles-ci rendaient les ouvriers malades et leur causaient des troubles psychiques. Notons que dans les pays anglo-saxons, on dit « mad as a hatter » (fou comme un chapelier) ! Fort heureusement, on n’emploie plus de mercure dans les fabriques de chapeaux.
De nombreux types de chapeaux sont associés à l’image d’artistes et de personnalités célèbres.
Ainsi, on ne peut évoquer le nom de Maurice Chevalier sans penser à son canotier, ni celui de Charlie Chaplin sans penser à son chapeau melon, qu’il avait intentionnellement choisi de petite taille, ni celui de Gavroche, personnage clé du roman de Victor Hugo Les Misérables sans penser à sa casquette, dont se sont coiffés un grand nombre d’acteurs et d’actrices de cinéma, tels Bourvil, Jeanne Moreau et Brigitte Bardot par exemple. Le nom de Sherlock Holmes, personnage de fiction créé par Conan Doyle, est associé à sa casquette de tweed à visière et cache-nuque munie de deux oreilles à rabat, appelée deerstalker. Arsène Lupin, le « gentleman cambrioleur », était coiffé d’un haut-de forme.
Le fédora (1), un feutre mou en poils de lapin ou de daim lancé par le chapelier italien Borsalino à la fin du XIXe siècle, fait penser à Humphrey Bogart qui porte ce couvre-chef dans le film Casablanca ainsi qu’Ã Alain Delon et à Jean-Paul Belmondo qui en sont coiffés dans Borsalino.
La reine Elizabeth II a porté jusqu’ici plus de 5 000 chapeaux ; son « dressing » actuel en comporte environ 500 : tous plus originaux les uns que les autres et de formes variées, ils se caractérisent par leur couleur acidulée, vert pomme, rose bonbon, jaune poussin et sont toujours assortis à sa tenue.
Antoine Pinay, (1891-1994), homme politique français célèbre pour l’emprunt qui porta son nom, ne se séparait pas de son chapeau rond, ce qui lui avait valu le surnom de « l’homme au chapeau ».
Enfin, le mot chapeau figure dans bien des titres de films, romans et pièces de théâtre : le téléfilm écrit et réalisé par Robin Davis Le chapeau de Mitterrand d’après le roman du même nom d’Antoine Laurain (2012) a été diffusé en 2016. Le chef d’œuvre d’Eugène Labiche Un chapeau de paille d’Italie (1851), est entré dans le répertoire de La Comédie française en 1938.
(1) Le fédora tire son nom du chapeau que portait Sarah Bernardt lorsqu’elle interpréta l’héroïne de la pièce fédora de Sardou.
DEVINETTES
– Que révélait sur la vie maritale de la personne qui le portait la façon dont le ruban était noué autour de son chapeau cloche ?
– Quel personnage célèbre porte un sombrero ?
Elisabeth Catala