Ecrit le 24 mars 2021
Curieusement, le mot brioche fait partie de la même famille que naufrage, fracture, fragile et refrain, pour ne citer qu’eux ! Tout simplement parce que tous ces mots ont une racine indo-européenne commu-ne : bhreg, qui signifie briser .
Ainsi, en latin, le verbe frangere, dont le participe passé est fractus, a donné l’adjectif fragus (qui brise) qui entre dans la composition de naufragus (qui brise le navire), d’où le substantif naufragium (naufrage) et le verbe naufragare (faire naufrage). De même, l’adjectif saxifragus (qui brise les rochers) s’applique à une plante, la saxifrage.
Toujours en latin, fragor signifie en premier lieu action de briser, puis fracas d’un objet qui se brise, d’où fragilitas (fragilité), fragilis (facile à briser), fragmen et son dérivé fragmentum (au départ morceau d’un objet brisé, puis fragment).
On retrouve cette idée dans une série de verbes préfixés comme effringere (ouvrir en brisant) qui a donné effraction, infrin-gere (enfreindre) qui a donné infraction, refringere (se refracter, changer de direc-tion) qui a donné refractaire et a dû subir l’influence de refragari (voter contre) et enfin suffragari (voter, au départ avec un tesson de poterie) auquel se rattachent les mots suffrage et suffragette.
Sont aussi issus de cette racine latine les mots fretin (diminutif de fret = débris en ancien français) et refrain (retour d’un motif qui brise le cours de la chanson).
Les mots issus du germanique brekan (briser) sont broyer et broyeur ainsi que brioche, mot d’origine normande (n’ou-blions pas le bon beurre qui entre dans la recette !) qui vient du verbe brier, variante de broyer du fait que ce gâteau était pétri avec une brie, instrument de bois avec lequel le boulanger ou le pâtissier donnait la dernière façon à la pâte et du verbe hocher (remuer).
Du germanique aussi viennent les mots brique ( du néerlandais bricke : morceau), briquetterie et briquette, ainsi que briquet, au départ morceau de fer, puis briquet à amadou pour allumer le feu, qui a éliminé le mot fusil en ce sens.
n’oublions pas de citer le mot fraction, qui dans le vocabulaire liturgique signifie l’action de briser le pain eucharistique, puis devient un terme d’ arithmétique. Une fraction telle que 2/3 est égale au quotient de la fraction 2/1 par la fraction 3/1 car 2/1=3/1 x 2/3.
Dans Claudine à l’école de Colette (1900), on peut lire : « Claudine, venez au tableau, écrivez les fractions 3525 sur 5712, 806 sur 925, 14 sur 56, 302 sur 102 (mon Dieu ! préservez-moi des fractions divisibles par 7 et par 11, de même que celles par 5, par 9 et par 4 et 6 et par 1127) et trouvez leur plus grand commun diviseur ».
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Dans Du côté de chez Swann (Proust, 1913), on peut lire : « Quand après la messe, on rentrait dire à Théodore d’apporter une brioche plus grosse que d’habitude parce que nos cousins avaient profité du beau temps pour venir de Thiberzy déjeuner avec nous, on avait devant soi le clocher qui, doré et cuit lui-même comme une plus grande brioche bénie, avec des écailles et des égoutte-ments gommeux de soleil, piquait sa pointe aiguë dans le ciel bleu ».
Au figuré, chacun sait que le mot brioche a d’autres acceptions : familièrement, il est l’équivalent d’un léger embonpoint au niveau de l’estomac, synonyme de bedaine ; autrefois il signifiait aussi bévue, gaucherie dans un sens proche de celui de boulette (« faire une boulette »), mais ce sens a disparu.
DEVINETTE : quelle est la particularité de la brioche vendéenne ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro : L’enseigne rouge à double pointe des bureaux de tabac figure une « carotte de tabac » qui était un petit rouleau de feuilles de tabac maintenues par une ficelle.
Elisabeth Catala