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Ecrit le 17 octobre 2018
Monument
Le mot monument est intimement lié à la mémoire : il vient du latin monumentum, qui désigne « tout ce qui rappelle le souvenir, spécialement celui d’un mort » ; il appartient à la famille du verbe monere (= faire penser à , faire se souvenir) qui contient la racine men (= penser) qu’on retrouve dans mental.
Après avoir désigné au XVIe siècle un document écrit, il a pris au XVIIe siècle le sens d’ouvrage d’architecture ou de sculpture qui transmet un souvenir à la postérité.
Suivi de l’adjectif funéraire, le mot désigne un tombeau. Cependant, certains monuments funéraires sont érigés à la mémoire de défunts morts sans sépulture.
Quelle ville, quel village n’a pas son (ou ses) monument(s) aux morts -pour honorer la mémoire des soldats morts pour la France- telle la statue d’un Poilu casqué, armé de sa baïonnette et tenant un drapeau- qui sont régulièrement fleuri(s) et devant le(s)quel(s) la fanfare municipale joue des hymnes lors des célébrations officielles ?
A Châteaubriant, le mémorial commémorant l’exécution des 27 otages le 22 octobre 1941 à la Sablière se dresse au centre de la Carrière des Fusillés (1).
Un monument est aussi un édifice imposant par sa taille et remarquable par son intérêt historique ou esthétique, par sa valeur religieuse ou symbolique : on visite les monuments de la Grèce antique, ceux du Moyen Age, de l’Egypte ancienne, des grandes capitales etc.
Les monuments historiques appar-tiennent à l’État, à une collectivité, voire à des particuliers : ils font l’objet d’un classement par l’administration des Beaux-Arts et sont sous la protection de l’État en raison de leur intérêt artis-tique. Certains sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Par analogie, l’expression « monuments de la nature », désuète aujourd’hui, désignait au XIXe siècle des créations naturelles remarquables par leur caractère grandiose.
De même, on parle encore de monument pour qualifier une œuvre artistique, littéraire- une traduction par exemple-, voire scientifique, imposante par ses qualités et ses dimensions.
Le mot peut désigner aussi une personne que ses qualités placent hors du commun : « Cet homme qui fut un monument, n’est plus », lit-on dans une oraison funèbre de l’écrivain Sainte-Beuve.
Inversement, l’expression familière « c’est un monument de... » est la plupart du temps employée de façon péjorative : « cet article est un véritable monument d’ignorance » !
(1) Ce monument est l’œuvre d’Antoine ROHAL (1905- 1978).
Les fusillés de Châteaubriant est le titre d’un poème très poignant de René-Guy Cadou dont voici un extrait :
. Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour {}
(1946).
DEVINETTE : où se trouvait l’obélisque situé place de la Concorde à Paris avant d’y être transporté en 1836 ?
REPONSe à la dernière DEVINETTE :
Le nom commun silhouette a pour origine le nom d’un homme politique français du XVIIIe siècle, M. de Silhouette, contrôleur des finances, qui échoua à promouvoir les grandes réformes dont il rêvait (on dénomma donc « Ã la silhouette » pour le ridiculiser ce qui présentait un aspect inachevé) et qui avait l’habitude de tracer dans son château ces sortes de profils que nous nommons maintenant silhouettes.
Elisabeth Catala
Ecrit le 31 octobre 2018
Souvenir
La Semaine du souvenir, émaillée de temps forts, se tiendra à Châteaubriant du 4 au 11 novembre. Elle démarrera le 4 novembre avec un défilé de véhicules militaires anciens et sera ponctuée de cérémonies officielles dont la plus importante se déroulera le 11 novembre devant le Monument aux morts en souvenir de l’ Armistice du 11 novembre 1918. Celle des enfants aura lieu le 6 novembre.
Elle suivra de peu la fête religieuse de la Toussaint qui, comme son nom l’indique, honore tous les saints, ainsi que la Fête des morts consacrée à la commémoration des disparus (2 novembre).
La semaine du souvenir nous invite à nous pencher sur ce mot qui désigne autant l’action, le fait, de se souvenir que le résultat de l’action.
Chacun d’entre nous garde et entretient le souvenir du passé, celui des amis de sa jeunesse, des années d’études, des membres de sa famille ainsi que celui des livres, des films, des voyages, des concerts qu’il a aimés...
« Le parfum de l’âme, écrit George Sand en 1834, c’est le souvenir ».
Il reste malheureusement aussi dans la mémoire de chacun de mauvais souvenirs liés à des événements tragiques, à des maladies, à des disputes, qu’on cherche à chasser de son esprit sans toujours y parvenir.
Les souvenirs sont « la matière première » des romanciers et des poètes : en 1830, Victor Hugo écrit Souvenirs d’enfance ; en 1884, Maupassant publie Souvenir ; en 1908, Gallimard édite les 4215 pages d’ A la recherche du temps perdu qui constitue la « cathédrale » des souvenirs de Proust (1). En 1857, Baudelaire écrit un poème qui a pour titre J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans ( Les Fleurs du mal). Enfin, le poème intitulé Nevermore de Verlaine com-mence par ce vers : Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? (1866).
Le mot est aussi présent dans de nombreuses chansons : ainsi, dans Dis, quand reviendras-tu ?, Barbara chante « ...si tu ne comprends pas qu’il te faut revenir, je ferai de nous deux mes plus beaux souvenirs ». En 1992, Charles Aznavour, disparu récemment, compose Chanson souvenir dont chaque couplet commence par ces deux mots. Enfin Souvenirs, souvenirs est le titre d’un « tube » de Johnny Halliday ( 1960).
La plupart du temps, un souvenir est lié à quelque chose qui rappelle une situation : un fauteuil, un stylo, un foulard, un livre, un parfum, un voyage ...
Enfin, on peut acheter des « souvenirs » dans tous les lieux touristiques, par exemple des Tour Eiffel enfermées dans une « boule de neige »* où l’on voit des flocons artificiels tourbillonner au moin-dre mouvement, des porte-clés, des magnets qu’on colle sur la porte du frigidaire, des livres, des cartes postales sur lesquelles sont inscrits les mots « Souvenir de ... ».
DEVINETTE : comment s’appelle un collectionneur de « boules de neige * » ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de LA MEE : le grognon offre à des proches « une soupe à la grimace ».
(1)« Quand d’un passé ancien rien ne subsiste ., l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du sou-venir ». (Proust)
Elisabeth Catala