Ecrit le 23 octobre 2019
La « Semaine bleue » qui s’est déroulée en France la semaine dernière illustre à merveille l’image que l’on se fait du tissu social : telle le tissu, la société est le résultat d’un « tissage » de liens de toutes sortes ; on pourra donc définir le tissu social comme un ensemble d’élé-ments formant une structure homogène ; en sociologie, il désigne l’ensemble des interactions entre individus et groupes, fait de liens matériels - non pas naturels mais « techniques » - de liens logiques et affectifs (rapports de pouvoir, de relations humaines, de structures de parenté).
Dans Le Politique, Platon (Ve-4e siècle avant J.-C.) prend le bel exemple du tisse-rand pour éclairer l’art du politique (1).
Actuellement, on ne peut que regretter amèrement la « désintégration » du tissu social à laquelle on assiste et les problèmes qui s’ensuivent dans notre société : cette désintégration va à l’encontre de la recherche de l’unité ; déjà dans l’Anti-quité, les philosophes avaient compris la nécessité que des éléments différents se complètent et s’enrichissent mutuellement non pas en dépit de leurs différences mais grâce à elles.
Le mot tissu est le participe passé du verbe latin texo qui signifie tisser, tramer. Il est de la même famille que le mot texte ; le glissement de sens entre tissu et texte est à l’origine d’expressions telles ourdir une intrigue, tramer un complot, un tissu de mensonges, une intrigue cousue de fil blanc, la trame d’un récit.
Le mot tissu a d’abord désigné un ruban formant le corps et la partie résistante d’une ceinture ainsi qu’un bandeau ; le sens actuel d’objet tissé s’est ensuite généralisé. Il existe toutes sortes de tissus selon la matière qui les compose : tissu de chanvre, de soie, de coton, de lin, de laine, pour citer les matières natu-relles ; et tissu caoutchouté, élastique, synthétique ; il peut aussi être damassé, chiné, broché, imprimé, réversible, écossais, indien, rayé, provençal ; il peut enfin être destiné à des usages variés : tissu de haute-couture, tissu d’ameu-blement entre autres.
Par analogie, il désigne une matière flexible ou semi-rigide de peu d’épaisseur constituée de matériaux enchevêtrés ou entrecroisés : tissu d’amiante.
Une extension technique moderne, où tissu a une valeur étendue (comme dans tissu de, en papier), aboutit à l’expression contradictoire : tissus non tissés !
En biologie, science dans laquelle le mot a été introduit au XVIIIe siècle, on distingue quatre catégories de tissus : le tissu conjonctif, le tissu épithélial, le tissu musculaire et le tissu nerveux.
Dans le langage courant, tissu désigne un élément anatomique visible du corps humain : peau, muqueuse, muscle superficiel.
En botanique, le mot désigne l’ensemble des cellules végétales de morphologie et de composition semblable, qui ont une même fonction : tissu chlorophyllien, par exemple.
En géologie, il désigne la texture d’une substance minérale : le tissu d’un marbre.
Enfin, dans le domaine de l’urbanisme, l’ensemble des éléments architecturaux dont l’organisation dans l’espace donne la configuration spécifique d’une ville s’appelle le tissu urbain, dont l’architecte Le Corbusier souhaitait qu’il « change de texture, afin que les agglomérations tendent à devenir des villes vertes ».
(1) Le tisserand de Platon fait s’entrecroiser, s’entrelacer des milliers de fils sur la trame et la chaîne du « métier à tisser » qu’est la société pour former un ensemble cohérent.
DEVINETTE : qu’est-ce qu’un tissu de paille ?
REPONSE à la DEVINETTE du dernier numéro : l’expression alors honorifique « Les vieux de la vieille » désignait les anciens Grognards, qui constituaient « la vieille garde » de Napoléon 1er.
Elisabeth Catala