Accueil > Châteaubriant > Défendons la langue française > Histoire des unités de mesure
Ecrit le 5 février 2020
Unités de longueur
Au Moyen Âge, le premier « outil » dont dispose l’homme pour effectuer les mesures nécessaires aux recherches sur la divine proportion (1) est son propre corps. Il utilisa donc comme unités de mesure la largeur de son pouce, celle de sa main, la longueur de son bras, de son pied et de son pas.
Les unités de mesure principales ont alors été définies ainsi :
Pouce= largeur du pouce ; paume = largeur du creux de la main ; palme = distance entre l’extrémité de l’index et celle du petit doigt ; empan = longueur comprise entre le bout du petit doigt et l’extrémité du pouce, main étendue et doigts à plat ; pied = longueur du pied (qui vaut 12 pouces).(2) ; coudée = distance entre le coude et l’extrémité du majeur (qui vaut 1 pied 1/2 environ) ;
On a peu à peu adjoint à cette liste d’autres unités :
Aune= longueur entre l’épaule et l’extré-mité du bras opposé tendu horizonta-lement (l’aune vaut 2 pieds 1/4) ; la toise= longueur égale à 6 pieds ; la verge = longueur égale à 16 pieds et la lieue = 1600 pieds ; l’anse= longueur comprise entre le pouce étendu et l’extérieur de la main, les doigts étant repliés.
On aurait tort de croire que ces mesures anciennes ne sont plus utilisées aujourd’hui : le pouce sert notamment à traduire le mot anglais inch . La taille de la diagonale des écrans d’ordinateur et de téléviseur est indiquée en pouces : 17, 23, 27 pour les modèles les plus courants jusqu’à 90 et au delà pour les écrans géants. L’empan et l’anse déterminent la hauteur et la largeur d’un petit cahier d’écolier ainsi que la longueur d’objets usuels tels par exemple un crayon, une cuillère à café pour l’anse et une cuillère à soupe, une paire de ciseaux pour l’empan. l’aune (3) a très longtemps servi pour mesurer les tissus à longueur de bras.
L’observation attentive des chiffres représentant les unités de mesure anciennes
permet d’établir un tableau de correspondance qui met en évidence que chacune des mesures est égale à la précédente multipliée par...1,618 ! c’est-Ã -dire le nombre d’or : le pouce mesure 2,69 cm, la paume, 7,64 cm, la palme, 12,36 cm, l’empan, 20,00 cm, le pied, 32,36 cm, la coudée 52,36 cm et la toise, 194,15 cm .
(1) La divine proportion est l’autre nom du nombre d’or : nombre idéal corres-pondant à « une proportion esthétique entre deux dimensions dont la plus grande est avec la plus petite dans le même rapport que la somme des deux avec la plus grande ».
Le nombre d’or : 1,618033988.. découvert par Pythagore au VIe siècle avant J.-C., est désigné par la lettre grecque Phi en hommage au sculpteur Phidias qui avait participé à la décoration du Parthénon, temple dont les proportions parfaites s’inscrivent dans un rectangle d’or.
(2) Le pied, unité de mesure principale, correspondait en Egypte à la taille du pied du pharaon qui servait d’étalon. En France, sous l’ancien régime la taille du pied, nommé alors « pied-du-roi », n’étant pas uniforme , toutes les mesures qui en découlaient étaient très variées. Ainsi en Bretagne, on utilisait jusqu’Ã six unités de mesure différentes. Notons qu’il en allait de même pour les unités de poids, ce qui compliquait les échanges commerciaux. Il a fallu attendre le décret de la Convention en 1791 pour que l’institution du système métrique mette fin à l’arbitraire.
(3) Au figuré, le mot aune entre dans des locutions peu usitées aujourd’hui, telles mesurer les autres à son aune, faire une figure longue d’une aune.
DEVINETTE : qu’est-ce qu’un mètre en poésie ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de La Mée : un collectionneur de fèves est un fabophile.
Elisabeth Catala
Ecrit le 12 février 2020
Unités de masse
Après nous être intéressés aux anciennes unités de longueur, penchons-nous sur les anciennes unités de masse. Dans le langage courant on utilise souvent le mot poids à la place du mot masse. Or, le poids est une force, son intensité s’exprime donc en newton (N) alors que la masse s’exprime en grammes ou en kilogrammes, du milligramme à la tonne.
Pour mesurer les masses, on utilise des balances à lecture directe, telles les pèse-personne et les pèse-lettres ainsi que des balances à lecture par équilibre comme la balance Roberval (1) à deux plateaux : pour mesurer des masses avec cette balance, on utilise des poids appelés aussi « masses marquées ».
La balance à fléau (2) fonctionne comme la balance à plateau, la différence vient du fait que dans la balance à fléau, le fléau repose non sur une colonne mais sur une pièce métallique qui permet de suspendre la balance.
Le trébuchet (3) est un type particulier de balance à plateaux : c’est une balance de précision utilisée pour peser de faibles quantités de substances ; il était également utilisé pour peser les pièces de monnaie. Il est bien sûrà l’origine de l’expression « payer en espèces sonnantes et trébuchantes ».
La balance romaine n’a rien de romain : son nom serait issu de l’arabe rommäne, (grenade) par analogie de forme entre le contre-poids et le fruit, et le principe de cette balance viendrait de Chine !
De nos jours, la balance romaine est encore souvent utilisée comme pèse-bébé et comme balance de ménage.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle est apparue la balance automatique dotée d’un cadran gradué circulaire ou en forme d’éventail, qui indique la masse par la position d’un repère mobile sans avoir à déplacer des poids manuellement.
Aujourd’hui, les balances sont électroniques et peuvent déterminer avec précision de très petites masses, à partir de 0 ,001 mg par exemple pour les balances microanalytiques. Pour les aveugles il existe des balances parlantes.
Sous l’ancien régime, la livre pesait 489,5 grammes : elle était divisée en 2 marcs (1 marc= 8 onces, soit 4 608 grains ( 244,75 g.), en 16 onces, soit 9216 grains ; l’once (8 gros, soit 30,59g.), en 8 gros et le gros (3 deniers, soit 3,82g.), en 8 grains. La livre se divisait aussi en 4 quarterons et le quarteron (122,4g.), en 4 onces. Notons qu’Ã Lyon, la livre ne comprenait que 13 onces trois quarts (15 pour la soie !) et que dans l’ain elle en valait 18. De même, l’once n’était pas divisée partout en France de la même façon !
Le grain pesait 53 mg, le denier, qui s’appelait aussi scrupule , valait 24 grains, soit 1,275 g. Le quintal était l’équivalent de 100 livres, soit 48,95 kg.
Le millier équivalait à 1 000 livres, soit 489,5 kg et, enfin, le tonneau de mer pesait 2 000 livres, soit 979 kg.
Seules la livre et l’once-unité de masse servant à la cotation de l’or- (31,1g) ont subsisté dans notre vocabulaire .
(1) La balance Roberval ne doit pas son nom à son inventeur, mais au lieu où elle a été inventée par Gilles Personne qui était né en 1602 à Roberval, petite commune de l’Oise.
(2) La balance à fléau est l’un des symboles de la Justice ; les autres sont le glaive et le bandeau. Elle figure sur les enseignes des offices notariaux.
(3) La mère de Victor Hugo, Sophie Trébuchet, a séjourné rue de Couéré où se trouve La Maison de l’ange . Un passage situé non loin du boulevard Victor Hugo porte son nom.
DEVINETTE : Quelles sont les qualités de la balance ? REPONSE dans le prochain numéro de LA MEE .
REPONSe à la dernière DEVINETTE : pour déterminer le mètre employé dans les poèmes, on compte le nombre de syllabes contenues dans un vers : 5=pentasyllabe, 8=octosyllabe, 10= décasyllabe ; notons qu’un vers de 12 syllabes porte le nom d’ alexandrin.
Elisabeth Catala
Ecrit le 19 février 2020
Unités de surface
Les unités de mesure de l’ Ancien régime qui étaient utilisées par nos ancêtres, étaient des plus variées. Intéressons-nous aujourd’hui aux unités de mesure des surfaces des terres agricoles.
En 1951, dans ses Voyages en France d’un agronome, René Dumont (1) donne ici ou là le nom de surfaces des terres agricoles dans d’autres unités que l’hectare.
Ainsi, le boisseau (2) et la corde en Armor, l’arpent (3) de 100 perches carrées dans la Meuse, la carte dans le Vivarais, indiquaient que 150 ans après l’adoption du système métrique, certains villages résistaient encore à l’hectare.
On définissait la surface semée avec une unité de volume de semence ou de grains récoltés : la boisselée (contenu d’un boisseau) et la séterée (contenu d’un setier (4) : entre 150 et 300 litres de grains).
Les unités correspondant à la surface travaillée en un jour étaient étroitement liées à l’organisation du travail. L’hommée : ou bêchée - représentait la surface travaillée à la main par un homme en un jour ; il fallait huit hommées pour faire un « arpent de Paris ».
En traction animale, l’acre (5), la surface de terre labourée par un araire ou une charrue, et l’arpent étaient compris entre 0,25 et 0,50 hectares.
Le journal était une mesure de terre qu’on pouvait labourer en un jour et l’arpent était la surface qu’avec deux ou trois chevaux un homme pouvait labourer en un jour, et en deux jours avec des bœufs.
Localement, l’emploi de telle ou telle unité était lié au mode d’utilisation des terres : ainsi en Bretagne, le journal mesurait des terres labourables et l’hommée, des prairies ou des vignes. Ces mesures variaient dans le temps et d’un village à l’autre. Les unités n’étaient en réalité que des moyennes tenant compte de la texture du sol, de la profondeur du labour, de la longueur du jour, donc du mois de l’année, du nombre et de la vitesse d’avancement des animaux qui tirent la charrue.
Mention doit aussi être faite du sillon, d’abord unité de surface correspondant à la bande de terre de quelques mètres de large qui recevait la semence lors d’un aller et retour du semeur qui semait à la volée. Le sillon valait 1/5 d’arpent. Par la suite, le sillon désigna et désigne encore de nos jours une longue tranchée ouverte dans la terre par le soc de la charrue.
(1) René Dumont (1904-2001) était un professeur d’agronomie connu pour son engagement écologiste.
(2) Le boisseau était une mesure de capacité de forme cylindrique utilisée pour les matières sèches.
Il est mentionné dans le Nouveau Testament : « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, on la met sur le chandelier et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison ».
(3) l’arpent, un des rares mots français d’origine gauloise, correspondait à un carré de 10 perches de côté ; on trouvait en France des valeurs de l’arpent allant de 32 à 78 ares selon les lieux.
Dans Candide, conte de Voltaire, on peut lire : « Vous devez avoir, dit Candide au Turc, une vaste et magnifique terre ?-Je n’ai que vingt arpents, répondit le Turc, je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands maux, l’ennui, le vice et le besoin ».
(4) Setier : c’était une mesure de capacité variable selon les espèces et les lieux : à Paris le setier contenait 12 boisseaux et pesait 240 livres.
(5) acre : de l’allemand der Acker qui signifie aussi bien acre que champ.
DEVINETTE :Combien mesurait la chaîne d’arpenteur ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de La MEE : une balance doit être juste, sensible et fidèle.
Elisabeth Catala
Ecrit le 26 février 2020
Anciennes unités de mesure
Si les mots chopine, pinte, barrique, coupe et tonneau sont encore employés de nos jours -sans qu’on sache toujours exactement quel est leur contenu-, il n’en va pas de même pour d’autres unités de mesure anciennes.
Le pot (1), appelé aussi quade, contenait deux pintes, c’est-Ã -dire 0 ,92 litre pour la pinte de Paris, et 1,28 litre pour la pinte de Bordeaux. La ruche contenait 25 pots en Normandie.
Le muid (2) contenait 472 litres en Roussillon, 442 en Languedoc, 730 à Montpellier et 296 à Cahors. Mais, pour le vin, le muid de Paris était de 268 litres. En 1913, sous la plume de Colette, on trouve la locution rond comme un muid pour désigner un homme corpulent : Un énorme garçon, rond comme un muid dans son costume de cabaretier, suffoque et m’épouvante : s’il allait mourir en scène ! (Music-hall).
Le poinçon valait 2/3 de muid. Et le quartaut contenait de 67 à 106 litres selon les régions.
Pour l’huile d’olive, le scandal allait de 12 à 20 litres en Provence.
Selon la provenance du vin, la queue contenait 266 litres en Champagne, 396 à Reims, 456 à Paris et 402,3 en Bourgogne.
La velte contenait 7,44 litres.
La pinte n’était pas la même à Paris et à Bordeaux : la première valait un peu moins d’un litre, la seconde, un peu plus (0,92 et 1,28). Deux pintes pour le vin à Paris formaient une carte. Quant à la chopine, elle correspondait à la moitié d’une pinte. De son côté, la barrique contenait 32 veltes à Bordeaux, 225 litres en Languedoc et 120 pots en Bretagne (pour le cidre). Le foudre contenait 4 muids, c’est-Ã -dire 1072 litres et le tonneau, unité de mesure utilisée pour le vin et le cidre , 864 pintes.
De nos jours, le mot canette est associé à la bière. A l’origine, c’était effectivement une unité de mesure spécifique à la bière. Au XIXe siècle, une canette en contenait un demi-litre. Aujourd’hui, elle n’en contient que 0,33 litre. Et le mot désigne maintenant la boîte métallique contenant une boisson gazeuse. Il s’en vend plusieurs milliards chaque année dans le monde.
Au XIIIe siècle, le mot Kanete est attesté en ancien français au sens de vase, de cruche. Il vient de l’allemand Kanne dont on retrouve la racine (can) dans le mot canon , d’où l’expression « boire un canon ».
Au XIXe siècle et jusqu’au début du XXe les écrivains employaient les anciens noms des unités de mesure : ainsi, Théophile Gautier écrit en 1863 dans le Capitaine Fracasse : « Blazius le pédant, passant sa langue de silène sur ses lèvres altérées d’une soif inextinguible, songeait libidineusement aux muids, quartauts et poinçons de vin des meilleurs crus ».
(1) Pot. Le mot désigne d’abord un récipient aux formes arrondies, ce qui fait qu’il a donné l’adjectif potelé et le nom familier popotin et qu’il est entré dans des expressions comme un pot à tabac pour désigner au figuré une personne replète et courte sur jambes. La locution prendre un pot pour désigner le fait de se rencontrer entre amis autour d’un verre date du début du XXe siècle.
(2) Muid. Le mot, du latin modius, se prononce mui . On a ajouté tardivement le d final pour rappeler son étymologie ; la racine du mot, med, signifie peser, mesurer. Cette ancienne mesure de capacité concernait les liquides, les grains et le sel.
DEVINETTE : qu’est-ce qu’un scrupule ?
REPONSE dans le prochain numéro.
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro : la chaîne d’arpenteur était un instrument de mesure destiné aux travaux d’arpentage réalisés par un géomètre. Elle mesurait 10 ou 20 mètres et était constituée de maillons métalli-ques de longueur égale, attachés les uns aux autres par des anneaux avec de part et d’autre une poignée permettant de la tenir. Aujourd’hui, elle a été supplantée par des instruments électroniques d’une précision absolue .
Elisabeth Catala