Ecrit le 28 octobre 2020
Mots étrangers à notre table
Dès le petit déjeuner, on emploie des mots d’origine étrangère : en buvant du café, avec ou sans sucre, ou un jus d’orange, on parle arabe ; quand on pose un bol sur la table, on utilise un mot anglais ; si on prend une biscotte, un mot italien ou un petit gâteau, un mot allemand. Quant au miel, il est issu du latin mel mais la ruche dont il est originaire est gauloise. Si l’on préfère le thé au café, sachons que le mot thé vient du malais ou d’un dialecte chinois et a beaucoup voyagé avant d’être versé dans une tasse, qui est un mot arabe.
Curieusement, certains mots qu’on croit empruntés à l’anglais, tels rosbif (1727) et toast (1777), ont en réalité une origine bien française : roast beef est la forme qu’a prise en anglais rot de bif (rôti de bœuf en ancien français) et toast est emprunté à l’ancien français tostée (tranche de pain rôtie). Ils sont revenus plusieurs siècles plus tard dans la langue française sous leur forme anglaise, d’où leur qualification ultérieure d’anglicismes.
Bien américains sont quant à eux les mots brownies, cookies et cheese-cake qui sont arrivés des Etats-Unis à la fin du XXe siècle avec la mode des pâtisseries qu’ils désignent.
Les mots chocolat, tomate et avocat n’ont en apparence rien de commun mais ils sont en réalité tous les trois originaires d’Amérique et leurs noms ont été empruntés, par l’intermédiaire de l’espa-gnol, à la même langue amérindienne du Mexique, le nahuatl.
Les mots sirop et sorbet présentent la particularité de venir tous les deux du même nom arabe : charab (=boisson) , ce sont de ce fait des doublets, bien qu’ils ne désignent pas la même chose. Le mot sirop, emprunt savant à l’arabe très ancien, était présent dans les écrits de la médecine médiévale ; le mot sorbet, de l’arabe chariba, nous est parvenu bien plus tard par transmission populaire.
De l’arabe également nous viennent des noms de plats comme couscous, dont les recettes varient d’un pays à l’autre, les tajines, le méchoui, ainsi que des noms de légumes et de fruits tels artichaut, épinard, aubergine, pastèque, potiron, estragon et orange.
C’est d’Italie que nous avons importé le mot pizza et ceux qui désignent les pâtes alimentaires : spaghetti (diminutif de spago = ficelle) macaroni, tagliatelles, ravioli, lasagnes, etc. L’italien se trouve en tête de liste des emprunts de notre vocabulaire culinaire à des langues étrangères car l’engouement pour tout ce qui venait d’Italie dès le Moyen Âge s’est encore renforcé au XVIe siècle avec l’arrivée de Catherine de Médicis à la cour de France.
Notons que les pâtes n’ont pas été inventées par les Italiens : les Grecs et les Romains connaissaient déjà les pâtes fraîches du type lasagnes ; ce n’est donc pas Marco Polo qui les aurait importées de Chine.
La première spécialité de la cuisine espagnole qui figure dans nos dictionnaires depuis la fin du XIXe siècle est la paella, qui tient son nom de la grande poêle où l’on fait cuire une préparation à base de riz agrémentée de fruits de mer, viandes et légumes. Une autre préparation espagnole très connue est le gaspacho (soupe froide à base de concombres, de poivrons et de tomates).
Sont entrés aussi dans nos dictionnaires des mots japonais comme sushis et wasabi, des mots malais comme achards, indiens comme rougail (du tamoul rougay, (fruit vert confit) et chutney (du hindi chatni) et vietnamiens comme nem.
Enfin, le mot marmelade est issu du portugais marmelo (=coing) , qui vient lui-même du latin melimelum (pomme de miel). Notons qu’en anglais, le mot marmalade désigne non une confiture de coings mais une confiture d’oranges.
DEVINETTE : De quelle langue le mot ketchup est-il issu ?
REPONSE à la DEVINETTE du dernier numéro de LA MEE : Après la pluie, le beau temps est un roman écrit par la comtesse de Ségur en 1883.
Elisabeth Catala
Ecrit le 2 décembre 2020
Le vocabulaire culinaire
Le nom d’instruments familiers aux cuisiniers fait référence à des instruments de musique.
Le piano est un fourneau de cuisine à températures modulées, comme un clavier de piano l’est pour les notes de musique.
La mandoline est un appareil pour découper des tranches fines et lisses.
La guitare permet le découpage régulier des caramels, chocolats ou ganaches.
Le diapason est une grande fourchette à deux dents permettant de maintenir une pièce de viande lors d’une découpe.
La cloche permet de recouvrir une assiette pour garder le mets à la bonne température.
D’autres termes de musique peuvent aussi servir à nommer de façon imagée des produits de la nature que l’on peut déguster.
Les trompettes de la mort, nommées aussi cornes d’abondance sont des variétés de champignons proches de la girolle qui apparaissent en automne aux alentours de la fête des Morts.
Les têtes de violon sont quant à elles des pousses de fougère naissante au léger goût d’asperge, très appréciées au Canada ; leur extrémité, enroulée sur elle-même, ressemble à une crosse de violon.
On peut aussi relever de nombreuses appellations trompeuses dans le nom des plats :
Le caviar ne porte pas un nom d’origine russe.
Le caviar d’aubergine n’est pas du caviar à l’aubergine.
Le cervelas n’est pas, malgré l’étymologie, préparé à base de cervelle.
Le haricot de mouton n’est pas une légumineuse.
La langoustine n’est pas une petite langouste.
La truffade n’est pas à base de truffes.
L’omelette norvégienne n’est pas une omelette.
Certains plats portent le nom de leur inventeur ou celui de personnalités en l’honneur de qui ils ont été créés ; ainsi la sauce béchamel aurait été inventée par Louis de Béchamel, un maître d’hôtel de Louis XIV et ses variantes, la sauce Mornay, (béchamel à laquelle on a incorporé du fromage râpé et un œuf) tient son nom de celui du cuisinier qui l’a mise au point au XIXe siècle et la sauce Soubise, (béchamel à laquelle on ajoute une purée d’oignons), de celui du maréchal de Soubise qui l’aurait inventée au XVIIIe siècle.
Le Pavlova, dessert à base de meringue recouvert de fruits et de Chantilly, a été inventé dans les années 20 en l’honneur de la grande danseuse classique russe Anna Pavlova.
La pêche Melba a été créée à la fin du XIXe siècle par le pâtissier Escoffier en l’honneur d’une chanteuse lyrique très connue nommée Nellie Melba.
Et le Paris-Brest, gâteau en forme de roue de vélo, a été inventé en 1890 pour célébrer la fameuse course de vélo Paris-Brest qui en était à ses débuts.
Le nom de certains potages évoque parfois des personnages ou des lieux historiques : le prince de Condé (haricots rouges) la ville de Crécy (carottes), le comte de Saint-Germain (pois cassés), le comte de Germiny (« oseille », car ce comte, gouverneur à la banque de France, s’occupait... d’argent !).
Quant au Chateaubriant, pièce de bœuf grillée dont l’épaisseur varie entre 2 et 4 centimètres, deux hypothèses s’affrontent sur l’origine et l’orthographe du mot : pour certains, le vocable fait référence à l’écrivain François-René de Chateau-briand, en l’honneur de qui son cuisinier aurait créé cette recette au moment où il était ambassadeur de France en Angleterre ; pour d’autres, l’appellation le châteaubriant se réfère à la ville de Châteaubriant dont le cheptel est réputé pour sa qualité.
DEVINETTE : Qu’est-ce qui rapproche l’huile d’olive du riz pilaf ?
REPONSE à la DEVINETTE du dernier numéro de La Mée : le mot ketchup n’est pas d’origine américaine mais chinoise : le ké-tsiap est une sauce à base de poisson fermenté.
Elisabeth Catala
Ecrit le 9 décembre 2020
Vocabulaire culinaire (2)
Dans la chronique précédente quelques mots n’avaient pas été définis autrement que de façon négative : le caviar n’est pas un mot russe, la truffade n’est pas un plat composé de truffes.
Le mot caviar n’est pas un mot russe.
Bien avant J.C, Aristote mentionne déjà le fait que les Grecs consomment des œufs d’esturgeons lors de certains banquets, c’est la première référence connue au caviar. Au IXe siècle le mot caviar apparaît, il aurait pour origine le mot turc khavyar (œufs de poisson à qui les Perses attribuent de nombreuses vertus). C’est en 1600 que le caviar apparaît à la cour de Russie où il acquiert sa réputation d’aliment luxueux. Au XIXe siècle, les Etats-Unis en deviennent le premier producteur et le commercialisent à bas prix, mais les esturgeons étant victimes de la surpêche, les stocks furent vite épuisés. En France, le caviar commence à être prisé durant les Années folles au moment où les émigrés russes fuyant la révolution arrivent à Paris.
En 2008, La Convention de Washington interdit l’importation du caviar sauvage, qui est remplacé par le caviar d’élevage.
Notons que le mot caviar apparaît déjà sous la plume de François Rabelais.
Le caviar d’aubergines n’a rien à voir avec le caviar : il se compose d’aubergines cuites au four, écrasées à la fourchette, arrosées d’huile d’olive et assaisonnées de sel et de poivre.
Le cervelas n’est pas préparé à base de cervelle.
La composition de base du cervelas traditionnel comprend environ 50 % de viande de porc, un peu de bœuf, 20 % de veau, des couennes de lard et de l’eau, du jus de citron et du sucre, ce qui le rend craquant quand on le grille ; cette charcuterie est d’origine italienne ( cervellata).
Le haricot de mouton n’est pas une légumineuse.
Le haricot de mouton est un ragoût de mouton cuit avec des navets et des oignons. L’appellation vient du vieux français harigoter ou haligoter qui signifie couper en morceaux.
La langoustine n’est pas une petite langouste.
Contrairement à ce que pourrait laisser croire son suffixe en ine qui est souvent la marque d’un diminutif, la langoustine n’est pas une petite langouste - pas plus qu’une tartine n’ est une petite tarte - c’est le nom vernaculaire donné à de nombreux crustacés.
La truffade ne contient pas de truffes.
Etymologiquement, la truffe et la pomme de terre ont un fort cousinage, mais la recette auvergnate appelée truffade est composée non pas de truffe mais de pommes de terre : la truffe s’est d’abord dit trufa en Provence (du latin tufer, issu lui-même de tuber qui a donné le diminutif tubercule). La pomme de terre s’est d’abord appelée tartuffo au sud de la Loire et on retrouve la même racine dans l’allemand Kartofel.
Il est amusant de constater que le titre de Tartuffe donné par Molière à l’une de ses plus célèbres pièces évoque au sens figuré un gonflement, semblable à celui d’un tubercule, donc la tromperie d’un homme qui se pavane à outrance.
L’omelette norvégienne n’est pas une omelette.
C’est un dessert constitué de glace à la vanille recouverte de meringue posée sur un fond de génoise (1) et passé à four vif. Son originalité repose sur le contraste entre l’intérieur glacé et l’extérieur qui est très chaud.
(1) La génoise est un gâteau inventé au XVIIIe siècle à Madrid par un jeune confiseur italien qui était au service d’un ambassadeur de la République de Gênes alors en poste en Espagne.
DEVINETTE : quelle est l’origine du nom carpaccio donné à un plat de viande crue ?
REPONSE à la DEVINETTE du dernier numéro de LA MEE : le rapport entre l’huile d’olive et le riz pilaf ne concerne pas une recette de cuisine. Ce sont deux pléonasmes : le mot huile vient du grec ancien elaion (= huile d’olive) et pilaf signifie riz en persan.
Elisabeth Catala