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Ecrit le 03 mars 2021
Les « costumes » de con
Con est issu du préfixe latin cum (dérivé de la préposition cum, qui signifie avec), qui vient lui-même de l’indo-européen kom.
Con marque l’idée d’union, de réunion, d’adjonction. Il garde la forme con devant une consonne : condisciple, consanguin, concubin et perd son n devant un h aspiré : cohabiter, cohérent, par exemple.
Il marque aussi l’idée de complétude ou de perfectibilité : conquérir, celle d’appar tenance, d’identité : concentrique = qui a le même centre ainsi que celle d’intensité : convalescent = devenir plus fort ; conclure ne signifie pas clore ensemble mais bien fermer, borner, mettre un terme à , clore ; compliquer les choses, ce n’est pas, étymologiquement parlant, les plier ensemble ou l’une avec l’autre mais les plier complètement, les entortiller. Quant au verbe corrompre il signifie casser (rompre) la vertu de quelqu’un, le pervertir totalement.
Suivant les règles phonologiques héritées du latin, le préfixe con change de « costume » et devient :
– Co devant une voyelle : co-auteur, coexister.
– Col devant un l : collègue, collection, collaboration.
– Com devant un b, un p et un m : combattre, compagnon (1), commère (2).
– Cor devant un r : correspondance, correction.
Il s’écrit con en italien et en espagnol, co, com, qem ou qen en gallo, ken, kem ou kev en breton.
(1). Le mot compagnon (compainz à la fin du XIe siècle) vient du latin populaire companio, composé de cum (avec) et de panis (pain) ; au sens propre, il désigne donc celui qui mange son pain avec quelqu’un, puis celui qui partage ses activités avec quelqu’un.
Le mot compagnie, qu’on trouve dans l’expression tenir compagnie, a la même origine, alors que le féminin compagne (XIIe siècle) et le verbe accompagner ont été formés non sur le latin populaire mais sur l’ancien français compain.
Quant au terme familier copain, qui rappelle étonnamment le sens étymolo-gique du mot, c’est la forme dénasalisée de compain , apparue au milieu du XIXe siècle, qui s’est imposée au XXe siècle. En sont dérivés le féminin copine à la fin du XIXe, le verbe copiner au début du XXe et le nom copinage , dans les années 60, dans le sens qu’on lui connaît de favoritisme au profit des amis en affaires ou en politique.
(2) Etymologiquement, on a du mal à imaginer que le mot commère et son parallèle compère, tous deux adaptés au XIIe siècle du latin ecclésiastique, ont un sens très éloigné de celui d’aujourd’hui.
En effet, la commère, du latin commater = mère avec, et le compère, du latin compater = père avec, sont la marraine et le parrain d’un enfant et le commérage était originellement le nom du baptême. Ces trois mots ont connu une évolution de sens remarquable qui témoigne bien des préjugés sociaux et sexistes qui imprè-gnent notre langue ! Ainsi compère est devenu un terme (vieilli) d’amitié dans la langue familière et a pris le sens de camarade, ami ou complice, alors que commère a vite pris une valeur très péjorative, celle de personne bavarde, qui rapporte des ragots, des commérages. Notons qu’un homme aussi peut colporter des commérages.
DEVINETTE : dans quelle fable de La Fontaine se trouvent les vers :
L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours,
Ma commère la carpe y faisait mille tours
Avec le brochet son compère {} ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro : c’est Marguerite YOURCENAR (1903-1987) qui a pris pour nom de plume l’anagramme de son nom de jeune fille : Marguerite Cleenewerck de CRAYENCOUR.
Elisabeth Catala